mardi 31 mai 2011

Ahmed Kalouaz - Avec tes mains

Éditeur : Le Rouergue ( Collection La brune) - Date de parution : 2009- 110 pages et un coup de cœur !

Parler de toi, mon père, c’est remonter un fleuve en pirogue. A l’heure de ces premières lignes lancées sur le papier, je cherche le lieu où tu pourrais être en 1932. Ce sera le début. Il en faut un, puisque ces pages à venir, maintes fois repoussées, timidement viennent enfin à moi. 
Ce livre débute par ces lignes. Et à leur lecture, j’ai eu cette conviction intime que j’allais accéder à un bonheur rare et intense.  Comment parler de ce livre qui continue de m’habiter ? Comment trouver les mots justes comme Ahmed Kalouaz est parvenu à le faire ?
A partir de photos et  de souvenirs, Ahmed Kalouaz nous raconte la vie de son père. Né en 1917 en Algérie, son enfance a été marquée par la dureté de la vie : un père mort à la guerre, une mère qui l’a abandonné.   Une enfance exploitée et passée à travailler pour pouvoir manger.  La seconde Guerre mondiale lui fera porter la tenue des tirailleurs pour notre mère patrie. En 1952, il quitte l’Algérie pour venir s’installer en France. Le pays a besoin d’hommes et de bras.  Il fait venir sa famille mais les événements le rattrapent et  les Algériens sont montrés du doigt. Puis les années 1970 où le travail se fait rare alors qu’il y a la famille nombreuse à élever.
Au début de l’exode, le mot France voulait dire de l’argent et de la nourriture. Ce sont au fil des ans des enfants, beaucoup d’enfants. Avec ces naissances, le mal du pays se transforme. Parce nous prenons place naturellement ici, votre pays de cocagne se dérobe sous vos pieds, s’effiloche.
Court récit mais d’une intensité  poignante qui prend aux tripes et à la gorge.  L’auteur n’enjolive pas  ou ne noircit pas le tableau. Dans cet hommage vibrant  et intelligent à son père, Ahmed Kalouaz  va plus loin que de poser  les jalons d’une vie. Tout en pudeur, les meurtrissures apparaissent. Difficultés de deux générations à trouver leurs places alors que les désillusions sont nombreuses.  L’auteur met en garde contre le fanatisme religieux, un refuge pour de nombreux jeunes qui ont perdu l’espoir.  Ce livre est d’une telle intensité que j’ai eu les larmes aux yeux.
Un coup de cœur sincère pour ce livre qui rend hommage à des hommes bien souvent oubliés.
Pendant que nous allions à l’école, tu demeurais dans la classe des dominés, tout ce qui était digne d’être montré ne pouvait qu’être le fruit du travail de tes mains.
Les billets de Fransoaz, Sylire et Yv.
Et une nouvelle : Ahmed Kalouaz publiera en novembre prochain le deuxième volet de ce livre consacré à sa mère.

lundi 30 mai 2011

John Verdon - 658

Éditeur : Grasset - Date de parution : Mai 2011 - 441 pages qui mettent du temps à démarrer...


Imaginez, vous  recevez un courrier qui vous demande de penser à un nombre au  hasard.  Et le nombre 658 vous vient à l'esprit. Maintenant, vous trouvez ce nombre inscrit  dans une  seconde enveloppe et on vous demande un chèque.  Il y a de quoi se poser des questions  surtout quand votre expéditeur inconnu vous envoie d'étranges poèmes. Marc Mallery a suffisament peur pour contacter un ancien  collègue de fac David  Gurney, un ancien policier qui a pris depuis sa peu sa retraite. 


Je lis très peu de thrillers et quand ça se produit,  j'attends  d'être tenue en haleine par le suspense  ou par la construction de l'intrigue. J'aime émettre des hypothèses et tourner avec une certaine frénésie les pages en me mordillant la lèvre inférieure (tic peu élégant, mais bon...) . J'ai trouvé des points positifs et d'autres négatifs à ce livre. David Gurney est un flic conscensieux, méticuleux pour qui la psychologie est un aspect important. Toujours posé, il ne néglige aucune piste  quand Marc est retrouvé assassiné. Et à partir de ce moment, il s'investit corps et âme dans cette affaire malgré les repoches sous-entendues de son épouse Madeleine. Il cherche une logique surtout que Marc avait une vie confortable. Seul point noir : un passé d'ancien alcoolique.  


Par contre, j'ai trouvé lent, très lent le ryhtme de ce livre. Il m'a fallu attendre la deuxième partie pour que ma curiosité soit vraiment titillée. Et là, oui, j'ai pris plaisir à suivre David Gurney : ses questionnements, sa façon d'enquêter.

Certaines  ficelles sont un peu grosses et l'adrénaline n' a pas été à son maximum... Ma lèvre inférieure est intacte ! 


Les billets de Cathulu, Gwen, Keisha,  Leiloona ( mon avis est  similaire au sien) et Stephie.  

dimanche 29 mai 2011

Karine Reysset - Comme une mère

Éditeur : Points- Date de parution : Avril 2009 - 159 pages

La semaine dernière, Antigone a posté un billet sur A ta place de Karine Reysset. Le nom de cette auteure m’a interpellée. A l’assaut de mes mes tours palesques, j'ai déniché ce livre qu m'attendait sagement.  
Emilie, 19 ans, est enceinte et veut accoucher sous X. Elle n’a pas les moyens d’élever cet enfant. Après l’accouchement, elle a prévu de  démarrer une nouvelle vie : suivre une formation à St Malo, s’éloigner de Paris.  Fini les foyers et les galères. Judith, elle espère enfin donner vie à son premier enfant. Son ventre jusqu’à présent a refusé de mener à terme ses précédentes grossesses. Cette fois, elle en est certaine, elle va être mère.
Les vies de ces deux femmes se croisent à la maternité. Emilie met au monde une petite Léa tandis que le bébé de Judith meurt peu après l’accouchement.  Judith sait que Léa va être adoptée. Elle a tant d’amour en réserve à donner et  sur un coup de folie, elle s’enfuit avec la petite Léa.  Après tout, elle va offrir à Léa tout ce sa mère ne lui aurait pas donné. Emilie est partie à St Malo, l’enlèvement de Léa la perturbe plus qu’elle ne le pensait. Léa accapare son esprit et son cœur. Le jour où on la retrouve, Emilie craque. Elle  revient  sur sa décision de l’abandonner, elle veut la récupérer.  C’est son enfant, elle a le droit.  A St Malo, elle retrouve goût à la vie et veut être une bonne mère pour Léa.  Sa formation aux cures thermales a débouché sur un emploi, elle a rencontré le grand amour avec Titouan. Trois années de bonheur pour eux. Mais, Judith n’a pas oublié Léa ni les dix jours passés avec elle. Elle voudrait juste la revoir. La tenir sans ses bras, sentir son odeur.  Alors, Judith vient faire une cure à St Malo. Revoir Léa  la submerge d'un amour fou.  Jusqu’où Judith est-elle prête à aller ?
Deux femmes, un bébé et l’amour si fort qu’une femme peut éprouver pour un enfant.   Le désir d’être mère, quand et comment le fil de l'amour maternel se développe, des paquets d’émotions chahutés et transportés  par le vent de St Malo,  j’en redemande !
La boucle est bouclée… Challenge PAL d’Antigone  honoré ce mois-ci et deux autres livres de cette auteure sont venus s'ajouter à mes tours cette semaine.  Vous n’avez pas fini de m’entendre parler de Karine Reysset…
Les billets d'AmandaMeyre, Cathulu ( qui ne trouvait plus son billet) Laure ( qui comme moi a fait un rapprochement avec Mots croisés de Marie Sizun), Valérie


samedi 28 mai 2011

Lettre de Colette à Maurice Ravel

Toujours dans le cadre de l'opération A vous de lire 2011, je vous propose de découvrir une lettre adressée par cette chère Colette à son "vieux" probablement Maurice Ravel.


À la demande de Jacques Rouché, directeur de l'Opéra  de Paris, Colette travaille à un livret pour un projet de ballet, qui se transforme en livret de fantaisie lyrique dansée : L'Enfant et les sortilèges. À partir de 1916, elle collabore avec Maurice Ravel qui n'achèvera la musique qu'en 1924. La fantaisie sera créée à l'opéra de Monte-Carlo, le 21 mars 1925, sur une chorégraphie de Georges Balanchine. Cette lettre, sans doute adressée à Ravel, semble évoquer un projet de création à Londres. Colette informe le compositeur de son entrevue avec la ballerine russe Anna Pavlova : « Elle trouve la chose très intéressante mais elle demande qu'on lui envoie la réduction pour piano avec le scénario écrit dessus [...] elle dit qu'elle monterait la chose à Londres tout de suite ».


Une lettre écrite  dans l’urgence mais avec naturel. Ah Colette ! Une de mes auteures chouchoutes avec qui j'ai passé de nombreuse heures à l'adolescence...

vendredi 27 mai 2011

Lionel Duroy - Colères

Editeur : Julliard - Date de parution : Mars 2011 - 211 pages


Je ne pensais pas lire ce livre. En discutant avec une de mes libraires, elle m'a donnée envie de découvrir par moi-même l'histoire de Marc. Un homme dont les angoisses l'empêchent de dormir, un homme qui s'est investi à corps et âme dans son autobigraphie, un homme dont le fils l'a arnaqué. Son propre fils. La colère l'envahit et il écrit. Il écrit sa colère légitime,cherche ce qu'il a pu rater dans l'éducation de son fils. 


Auteur de son état, l'écriture lui permet de rester debout quand d'autres s'effrondrent. A travers Marc, il s'agit de Lionel Duroy qui se livre. Entièrement, sans artifice. Le poids de son enfance a laissé des empreintes indélébiles, il cherche des liens. La peur d'avoir reproduit certaines erreurs de ses parents est là. Peur qui prend aux tripes et qui ronge. Sa femme décide de prendre ses distances, une de ses filles ne souhaite qu'une chose  : partir. Quand tout s'effondre, Lionel Duroy écrit. Certains diront auto-apitoiement, sensiblerie, égoïste et grand déballage de vie, je n'ai rien vu de tel. L'écriture permet à Lionel Duroy de rester debout, forme salvatrice qui provoque des remous et creuse des failles intérieures. Il porte et  assume les chaos portés et engendrés par son écriture avec sensibilité. 


J'ai lu ce livre en apnée, en une seule fois. il s'agit d'une introspection émouvante toute en pudeur qui m'a beaucoup touchée !

jeudi 26 mai 2011

Nicolas d'Estienne d'Orves - Je pars à l'entracte

Éditeur : NIL ( collection : Les affranchis) - Date de parution : mars 2011 - 73 pages

Quel plaisir de découvrir un autre livre de la nouvelle collection les affranchis après celui d'Annie Ernaux L’autre fille. Le principe est le même : l’auteur a carte blanche pour écrire la lettre qu’il souhaite.  Nicolas d’Estienne d’Orves s’interroge : écrire à qui ? Son père, son banquier, Dieu ? Non, il va écrire à un ami prénommé lui aussi Etienne.  Plus qu’un ami, un frère, une moitié avec qui il a tout partagé :  la complicité, l’arrogance de l’adolescence, les études et la passion des Arts.  On pourrait croire à la belle amitié sans faille. Erreur, le ton est très vite donné : « tu avalais mon oxygène, avant d’aspirer celui des autres ».  Trente années d’une amitié qui s'est métamorphosée petit à petit. Adulé, son ami Nicolas  s‘érigeait en maître à penser.  A l'âge adulte, il refusait de travailler par principes, répugnant l'argent. Un être figé dans ses idéaux . Et puis, la claque survient. Sans prévenir.  Nicolas s’est suicidé et le mot soulagement est employé.  Au lieu d’en dresser un portrait  baigné de compassion, Nicolas d’Estienne d’Orves  nous décrit comment Nicolas s’était enfermé dans une gangue utopiste sans jamais pouvoir s’en sortir. L’auteur ne se donne pas le beau rôle, non, il nous parle de cette amitié  devenue égoïste et destructrice,  avec toute l’ambigüité qu’elle peut revêtir.
Avec un style impeccable flirtant avec l’impertinence, l’auteur nous livre un texte fort et sincère. Remarquable.
J’ai été soufflée…
Je respire mieux car je ne tens plus  t'étouffer à chaque pas, te confire dans tes humiliations, suffoquer de rage, de dépit, d'aigreur, de frustrations. Le spectacle de  tes impuissances avait fini par me faire un mal intime, et c'est aussi pour ça que je ne t'appelais plus. Tu étais devenu un autre sans jamais changer.
Si je vous parle de ce livre ce n’est pas par hasard. Et oui, car aujourd’hui  débute l’opération Nationale A vous de lire 2011  dont le thème est cette année , vous l’aurez deviné, la correspondance.

 

mercredi 25 mai 2011

Anne Percin - L'âge d'ange

Éditeur : Ecole des Loisirs - Date de parution : septembre 2008- 127 pages





J'ai terminé ce livre il y a déjà un moment. J'avais beau y réfléchir à comment vous en parler, je me sentais dans une impasse. Comment vous faire part de mes ressentis, de mon trouble et de ma surprise ?  L'adolescence  est une période charnière où les corps muent, la pensée s'ouvre et les idéaux sont bien souvent bousculés.    Le narrateur devenu adulte revient sur cette période. Qui est-il vraiment? Garçon, fille ? Impossible de le savoir .  Lycéen dans une école d'où sortent des élèves programmées à réussir, il s'agit d'un élève effacé, timide, se plongeant corps et  âme dans le grec.  Amour démesuré, entier pour la mythologie grecque, sorte de refuge intemporel dans lequel il vit. Il se prend de passion pour un livre  ancien de la bibliothèque. Un jour, il constate avec stupeur que  son livre a été emprunté. Non pas par un de ses élèves modèles mais par Tadeusz, fils d'émigrés polonais. Deux élèves opposés par leur condition sociale mais unis par le même amour. Notre narrateur va se transformer à ses côtés mais surtout ouvrir les yeux sur le monde tel qu'il est. Un monde où des émeutes grondent à cause des inégalités sociales, où des jeunes crient haut et fort leur malaise. Il s'agit d'un choc, d'un séisme pour lui !  Comment a t'il pu s'enfermer dans une gangue dorée ? Les oeillères sautent brutalement. L'incompréhension, la révolte l'habitent et cette soif de s'affirmer. Son amitié avec Tadeusz lui fait prendre conscience de la condition des uns et de celle des autres. L'injustice lui saute au visage.  





Les pages se tournent et on découvre l'identité de notre narrateur. La surprise est totale ! Car  Anne Percin ne trahit pas son ange. Sans tout  dévoiler, la fin du livre m'a prise à la gorge. Une fin très dure. 

J'ai été émue, troublée une fois de plus par cette auteure ! Avec beaucoup de  sensibilité, les émois de l'adolescence y sont retranscrits. Sans flonflon mais avec l'écriture si belle et si juste d'Anne Percin. 

J'acquiesçais.  il ne pouvait pas avoir tort, avec cette voix-là, venant d'où il venait. Et j'étais très proche de ce point de vue-là, moi aussi. Foutre le feu. Tout casser. Ce n'était pas mon vocabulaire, mais l'idée était tentante. Secouer ce qui m'emprisonnait, et qui n'était même pas une chaîne, comme un animal libre aurait pu en avoir une, mais plutôt une sorte de carcan. Un sarcophage où j'étais la momie.

Les billets de Canel, CatheLaure, In Cold Blog

Rencontre avec Carole Martinez

J’ai eu l’immense honneur et la chance de rencontrer Carole Martinez lors de sa venue hier chez Dialogues. Et je peux vous dire qu’elle à l’image de son roman Le coeur cousu !
Une auteure chaleureuse qui arbore un sourire rempli de gentillesse et d’humilité.Nous avons  échangé en toute simplicité sur divers sujets et comme je suis bavarde, le temps a passé trop vite !   Je peux vous dire qu’elle aime l’écriture de Fabienne Juhel et surtout vous dévoiler un scoop ! Oui !!!!
S’il n’y avait pas eu du monde au café, je crois que j’aurais poussé un grand whaouuuu de joie. Car  il y a nouveau livre de prévu !!!! Le prochain roman de Carole Martinez intitulé Du domaine des murmures sortira à  la rentrée littéraire de septembre. Et je peux vous dire que je suis déjà sur un petit nuage de bonheur !  En attendant, je compte les jours ...

Merci à Carole Martinez pour ce beau moment et à  Clémence pour sa confiance.   

mardi 24 mai 2011

Maggie O'Farrell - Cette main qui a pris la mienne

Éditeur : Belfond- Date de parution : Avril 2011 - 419 pages comme je les aime!

Fin des années 50, Lexie, vive et impétueuse quitte son Devon natal pour s’installer à Londres. Par le plus grand des hasards, la jeune femme fait connaissance d’Innes Kent journaliste et passionné d’art. Lexie découvre Londres, la liberté, l’indépendance et l’amour avec Innes. Quarante plus tard, Elina vient de mettre au monde son premier enfant. Cet accouchement a failli lui coûter la vie.  Elina a du mal à s’en rappeler alors que son compagnon Ted semble perturbé par des éléments manquants de son enfance.

Je le dis d’emblée, j’ai adoré ce livre ! La construction savamment menée permet de suivre le destin de Lexie et la vie d’Elina en parallèle. Deux femmes, deux époques, une seule ville et des points de jonction. Un lieu ou un objet et les destins se croisent, se lient le temps d’un instant fugace.  Lexie possède l’impétuosité de la jeunesse. Déterminée à vivre pleinement sa vie, elle n’a pas froid aux yeux. Avec Innes, elle connaît l'amour et apprend les rouages du journalisme. Ils ne roulent pas sur l’or mais sont heureux.   Seule ombre au tableau : lui est déjà marié à une femme dénuée de tout scrupule et seulement intéressée par l’argent.  La mort brutale et inattendue d'Innes sera un tournant dans la vie de Lexie. Quelques années plus tard, elle deviendra une mère célibataire, indépendante vouée à son travail et à son enfant. Elina se glisse elle aussi dans la peau d’une jeune maman. Désemparée de ne pas se souvenir de son accouchement, elle tâtonne dans son rôle. Elle découvre avec bonheur les fils invisibles de l'amour maternel. Ted, son compagnon essaie de l’aider au mieux. Il lui manque des souvenirs d'enfance mais la naissance de son fils va influer sur sa mémoire. Des images lui reviennent à l'esprit avec la sensation que ses parents lui ont caché certaines choses. 

Petit à petit, les pièces du puzzle se dessinent plus clairement et s’emboîtent. Maggie O’Farrell s’amuse par moments à interpeler le lecteur, à rembobiner certains évènements . J’ai aimé suivre ces deux femmes, leurs questionnements, les doutes d’Elina. Les relations mère-enfant sont transcrites par une multitude de détails aussi précieux que le bonheur qu’ils apportent. On comprend combien les décisions voulues ou contraintes ont des conséquences et des bouleversements à répercussion. Les personnages mis en scène tournoient dans le ballet des sentiments, des aléas de la vie avec subtilité, force ou désarroi.

Un vrai bon moment lecture et on oublie vite la photo de couverture !

Les avis (variés) d'Antigone, Cathulu, Sandrine (SD49)Valérie et Ys

lundi 23 mai 2011

Akira Yoshimura - Le convoi de l'eau

Éditeur : Leméac (collection Babel) - Date de parution : Mai 2011 - 174 pages très troublantes!

Un homme et les ouvriers de son équipe  sont envoyés dans un coin isolé du Japon. Ils ont pour mission de construire un barrage dans les hautes montagnes.  Nichés dans cette vallée confinée par la brume, un hameau et son important cimetière sont suspendus au silence depuis des années.  Un paysage comme sorti des nimbes et mystérieux à l’image des villageois. Deux mondes que tout oppose et qui semblent s’éviter.   Les travaux débutent brisant l’équilibre harmonieux du village.  
Quand deux de mes libraires ( Karine et Emilie pour ne pas les citer)   me mettent un livre de côté inutile de préciser  que je repars avec !  Et, je les remercie  car sans elle, je serais passé à côté de ce roman !  Je ne savais rien sur l’histoire et la surprise a été de taille ! J’ai commencé cette lecture en m’imaginant être dorlotée par  une  poésie. Et bien non, pas de bercement mais une ambiance troublante qui m’a ferrée dès le départ. L’histoire du narrateur a de quoi donner des frissons dans le dos. Cet homme a tué sa femme parce qu’elle le trompait.  Il a purgé sa peine de prison et n’éprouve aucun remords vis-à-vis se son crime Au contraire, il explique avec sang-froid la cruauté qui l’a toujours habité. Un homme  froid  dont on est en droit d’attendre aucun sentiment ou aucune compassion. Alors que la construction du barrage ébranle les maisons, les habitants continuent à réparer ce qui est destiné à être détruit. Les ouvriers se moquent mais cette  raillerie est vite obscurcie. La contruction du barrage oppose  la modernité aux traditions. Le mode de vie des villageois, leur respect de la nature environnante et de celle de leurs défunts, un drame horrible  vont  permettre au narrateur de baillonner ses démons.
Les descriptions sont à couper le souffle !  S'y ajoutent  une  tension en crescendo, une écriture singulière et  une histoire dont la beauté est particulière.  Majestueuse, élégante et humble. Conquise et troublée de la première à la dernière ligne !

Les billets de Leiloona, Papillon, Tulisquoi et Ys.




dimanche 22 mai 2011

C'est une poupée qui fait non,non...

Direction l'atelier d'écriture de Gwen : je vous propose aujourd’hui de nous parler de votre magasin préféré. Il peut-être réel ou imaginaire, actuel ou passé, vendre tout et n’importe quoi, être ici ou ailleurs. Laissez parler votre fantaisie, votre imagination, votre nostalgie, vos rêves les plus fous… Et  des mots obligatoires : 
  • lunatique
  • anémone
  • étoile de mer
  • iconoclaste
  • bayadère
  • primesautier
Garder son sang froid, un masque ne laissant transparaître aucune émotion en toutes circonstances. Je l'ai appris au fil des années et grâce à ma profession. Enfin, dans ma situation, on ne parle plus  de métier mais de responsabilités. Je suis un homme influent et respecté. La poignée de main, premier contact en dit en dit long sur mon interlocuteur. La main moite ou tremblante, confiante ou trop sûre d'elle mer permet de juger à qui j'ai  à faire. L'argent attire les hommes comme des animaux. De toute espèces. Mouches, abeilles, beaux parleurs ou avides d'ascension sociale. A moi de faire le tri.  Pour arriver là où j'en suis, j'ai travaillé mon tempérament. Le jeune homme vif, lunatique , aux accents  primesautiers a laissé place à un homme réfléchi, posé.  Mes tempes grisonnantes sont le reflet de l'expérience acquise durant des années. Je suis toujours vêtu d'un complet de couleur sombre. Le gris, le noir vous confère un statut. Une respectabilité au dessus de tout soupçon. Quand la bourse donne des frayeurs au mon entier, je suis celui vers qui on se tourne. Réguler ou  juguler les flots et les  flux financiers, redonner au monde l'impression que l'argent ne  leur fait par perdre la tête. Gardien d'un temple où les chiffres sont invariablement suivis de milliards. 
Comme tout à chacun, j'ai mes habitudes. Et une fois par mois, je me rends dans un petit magasin qui ne paie pas de mine. Une façade décrépie, une vitrine où bouquet de fleurs fanés git depuis des lustres. La couche de poussière qui recouvre les pétales décolorées fait fuir le quidam.  Son nom l'anémone pourrait faire penser à un magasin de décoration marine ou de ventes d'articles de pêche. Il n'en est rien pour les habitués. Un petit cercle  restreint d'hommes et de femmes. Que quelqu'un vous donne cette adresse est un privilège rare. Une marque de confiance et  d'estime. Le gérant à la mine austère fait fuir ceux qui par hasard s'y aventureraient. Une étoile  de mer desséchée, une ancienne tenue de scaphandrier sont les seuls objets de cette boutique iconoclaste.   Un  "bonjour Monseiur " me salue puis  le gérant  m'ouvre en toute discrétion une porte qui donne sur un arrière boutique. Cette  porte rouge  permet d'accéder au saint des saints. Une fois rentré, je me sens un autre homme. Elle sont là. Assises devant leur portable ou à lire une revue ou un magazine. Du regard, je cherche Amia, ma préférée. Vêtue d'une robe bayadère, elle m'attend. Perchée sur un haut tabouret, son regard perdu et fixe prend vit dès que je la vois. Je l'imagine dire non, résister et de défendre. Je la prends violemment et sous mes mains chaudes, cette poupée de silicone au teint chocolat devient réelle. Une femme, avec la quelle je peux assouvir tous mes fantasmes les plus fous et le plus osés.  Je paie le prix fort pour ce moment de détente. Depuis qu'un haut dirigeant a été accusé de tentative de viol, le nombre d'habités a parait il augmenté... 

samedi 21 mai 2011

Anne Bragance - Une affection de longue durée

Éditeur : Mercure de France - Date de parution : Mai 2011 - 149 pages

Florent et Béatrice ont tout pour être heureux : trois enfants, de belles carrières. Mais un jour, Florent abandonne sa femme et ses enfants. Il la quitte précipitamment et coupe les ponts. Pour lui, leur bonheur est derrière eux, la routine a gangrené leur couple. La vie de  Béatrice et de ses enfants bascule. Béatrice se « meurt », elle ne se nourrit plus et elle est hospitalisée.

Une histoire qui semble banale. Un couple se sépare ou plutôt l’un des deux éprouve le besoin de s’en aller quand la monotonie l’a emportée. Florent préfère laisser sa famille, son couple est devenu une cohabitation. Sur un coup de tête, il part après avoir  fait la rencontre d’une jeune femme. Il laisse Béatrice dans un tel désarroi qu’elle sombre dans la dépression. Elle n’avait rien vu venir. Qui aurait pu d’ailleurs se l’imaginer ? Pour l’aînée Sophie, étudiante,  le départ de leur père est définitif. Alors que sa mère est hospitalisée, elle se décharge de tout. Et il s’agit de Sabine qui va chercher son frère après les cours, elle qui « fait tourner la maison ». Sabine est persuadée que son père reviendra. Le petit Sylvain ne comprend pas la situation. Béatrice dépérit et son médecin trouve un stratagème. Ce médecin de famille la place en Affection Longue Durée pour qu’elle combatte une maladie et  ne se laisse pas mourir. A la maison, les deux sœurs s’ignorent. Sabine réagit comme une adulte alors que Sophie se montre désinvolte. Avec la distance, Florent fait le point. De longs mois s’écoulent et il n’a toujours pas repris contact avec ses enfants. Sabine œuvre pour que son père revienne, elle veut recoller les morceaux à tout prix.

L’auteure  en  se glissant à tour de rôle dans la peau de  chacun donne à  cette  histoire un ton touchant. Les  personnages qui gravitent autour de la famille sont très intéressants : Lucille, la jeune fille pour qui Florent a tout quitté, le médecin et Mme Vignal , la voisine qui garde Sylain. J’ai aimé ces diférents points de vue, la description des ressentis.

Mais j’ai trouvé que Florent faisait  preuve d’un égoïsme monstrueux ( la fameuse crise chez l’homme ?) et  que Sophie fuyait ses responsabilités d’aînée avec trop de facilité.  Le fin mot de l'histoire colle au titre mais ne correspond pas à mes conceptions de l'amour...

On s'imagine que la beauté, la sécurité d'un engagement dans l'amour vous immunisent contre le malheur de la perte et l'on oublie d'être vigilant, on oublie que l'amour est synonyme d'insécurité, qu'il recquiet une attention de tous les instants et que la négligence lui est fatale.

vendredi 20 mai 2011

Claire Keegan - Les trois lumières

Éditeur : Sabine Wespieser - Date de parution : Avril 2011- 100 pages

Par une chaude journée d’été, un père accompagne sa fillette dans une ferme. Elle va devoir y rester quelques semaines. Sa mère enceinte à nouveau n’a guère de temps pour elle sans compter que la fratrie est déjà nombreuse. Les  Kinsella l’accueillent  gentiment et  lui prêtent beaucoup d’attention.  Elle qui est habituée à aider ses parents, à surveiller ses sœurs est surprise. Chez les Kinsella, tout semble différent.
Voici un très beau roman rempli de grâce et de délicatesse.Cent pages que l’on ressent, que l’on vit dans une Irlande rurale que Claire Keegan décrit à merveille. Mais bien plus, elle excelle à distiller des éléments que nous découvrons en même temps que la fillette. Au début sur la pointe des pieds, en se faisant petit, on observe à travers ses yeux. Elle est surprise par ce couple Kinsella si bienveillant. Ils semblent vivre différemment que ses parents  et surtout ils lui montrent de l’affection. Petit à petit, la fillette prend ses marques et se sent mise à l’aise l’aise.  Des gestes, des regards tendres, autant de signes d’amour qui lui donnés. Ce bonheur d’été est parsemé de tâches d’ombres. Elle apprend et comprend le malheur arrivé au couple.
Sans en dire de trop, j’ai été happée par cette lecture. L’ambiance du départ avec les non-dits, la dureté de la vie se modifie au fil des pages. Elle devient plus gaie et débouche sur un final lumineux et émouvant !
Une écriture aux accents poétique, très sensorielle où chaque détail a son importance. Claire Keegan dévoile les sentiments de ses personnages tout en finesse et avec beaucoup de pudeur. Un enchantement. Une préférence pour ce livre par rapport à L'Antarctique
Les billets de Jérôme, Moustafette.

Ce livre fait partie de la sélection de la 10ème édition du prix des lecteurs du Télégramme

mercredi 18 mai 2011

Marie-Sabine Roger - Le quatrième soupirail

Éditeur : Thierry Magnier - Date de parution :2005 - 124 pages pour la liberté..

Chère Marie-Sabine,
Je me permets de vous appeler par votre prénom comme si nous nous connaissions. Un peu à la façon de deux amies qui partagent une complicité étalée sur le temps et dans la confiance. Depuis que je vous ai découverte, je continue à vous lire. Chacun de vos livres a été source d’émotions immenses et le quatrième soupirail n’a pas dérogé à cette règle. Avec Pablo, un adolescent dont le père est arrêté, vous levez  le voile sur un sujet dur. En Amérique Latine ou  dans d’autres pays, la liberté de penser et d’exprimer son opinion politique est réprimandée. Sans diplomatie et  sévèrement. Le père de Pablo, Liberto,  n’a pas manifesté ou participé à un complot meurtrier quelconque. Non, il écrivait des textes au nom de la  liberté. Aidé par de Rafael et de Nora, Pablo rentre dans la résistance L’adolescent qui provoquait son père, qui le narguait pour ses poèmes, saisit la valeur des mots. Il se fait embaucher en tant qu’aide-cuisinier dans la caserne où son père est détenu prisonnier. Et chaque nuit, il se rend au quatrième soupirail et murmure des bribes de poèmes à Liberto.  Des poèmes contre la répression, des mots auxquels  Liberto s’accroche.  L’adolescent doit faire preuve  de sang-froid et ne pas montrer sa peur, sa haine. Il côtoie les bourreaux de son père, entend les cris des prisonniers torturés par une junte militaire sanguinaire. Souffrances physiques mais  aussi souffrances morales. Pablo s’était endormi adolescent, il se réveille homme. Il comprend le pouvoir et le poids des mots.  Avec l’écriture qui vous caractérise et que j’admire, Pablo m’a touchée. Le combat mené par Liberto et les siens est noble.

A travers votre livre, vous défendez  la  cause de la liberté. Liberté, nous chérissons ton nom et nous t’aimons. Mais  trop souvent nous oublions la chance que nous avons de t‘avoir. Tu nous es acquise alors que d’autre meurent pour ton nom.  Merci Marie-Sabine  de nous  le rappeler si justement : pour des mots, pour des poèmes, on pouvait arrêter un père? On pouvait débouler à grand flots de poussière, dans des jeeps débordant de haine et de fusils? On pouvait incendier, détruire, et repartir? Pour des mots, on pouvait mourir?

J'aime comment vous maniez les mots, comment vous arrivez à en faire des phrases si belles et si sincères. Une fois de plus,  j’ai eu la gorge serrée d’émotions...

Ces jours là, je les ai parcourus sur la pointe des pieds, pour me faire oublier de la vie.  Je me tenais dans le creux de silence, le souffle transparent, tout entier désireux de ne pas être là. J'évitais de penser au passé. Les souvenirs heureux me faisaient peur. Ils avaient des semelles d'ombre, revenaient en traînant après eux cette horreur.(...).  Je pensais à toi et à ton idéalisme. Tes guerres de papier, si fragiles  à partir en fumée.

Avec  ce billet, je participe à l'opération écrire à un auteur organisé par Babelio.

Catherine Enjolet - Sous silence

Éditeur : Phébus - Date de parution : Mars 2011 - 122 pages

Paris, années 1960. Nabisouberne, un  drôle de nom pour cette petite fille qui vit dans un endroit à part.  A la cour des miracles, on croise Doudou et ses odeurs de cuisine épicées, Dédé l’ancien taulard. Dans ce Paris populaire, on rit pour faire fuir le malheur, les fins de mois difficiles. Depuis la mort de son père, Nabisouberne a peur. Peur de son nouveau  beau-père. Entre sa mère qui n’a jamais le temps, sa grand-mère qui se lamente sur leur ruine, Nabisouberne tente de conjurer ses démons.
Petit livre mais grands émois ! Déjà, la préface de Boris Cyrulnik, neuro-pschychiatre, est belle et sobre ! Et ce livre continue de m’habiter… L’auteure nous plonge dans le Paris  où l’on joint à peine de deux bouts. Celui où les habitants vivotent. Nénette, la mère de Nabisouberne est serveuse dans un café. A la mort de son mari, la DDASS a mis son nez dans leurs affaires. On lui a  enlevé  sa fille et les séquelles, l’humiliation sont bien là. D’un tempérament fantasque, elle vit au jour le jour entre le porte-monnaie vide et  ses enfants à nourrir. Et Nénette manque de ces gestes d’amour pour sa fille. Par contre, son beau-père le lui montre. De trop. A sa façon. Il devient sa Grande Terreur.  Nabisouberne ne rit plus et appréhende  les nuits.  Alors, elle sème des mots  sur des petits bouts de papier. L’injustice, la révolte, la peur l’habitent mais aussi la fierté de ne jamais rien demander. Une cour des Miracles  où la pauvreté fait partie du quotidien, où le mot avenir sonne faux mais où la solidarité prévaut.
Un livre fort, émouvant où la parole est donnée à ceux et celles qui ne l’ont pas. Loin des clichés, ce roman m’a scotchée.
L’écriture épurée confère à ce  texte de la puissance, entre espoirs et fatalité.   
Les brumes reviennent. J’avance à découvert. En remontant vers la cour des miracles, c’est l’Ombre de nouveau qui se profile et menace. Je tremble.
-D’où tu viens ?
Je baisse la tête. Je me tais. Je trahis, c’est clair. J’ai peur de payer. De restituer l’instant volé. Bonheur indu, taxé. Je me rends… Je reprends le malheur gratuit, à volonté.

mardi 17 mai 2011

Siri Hustvedt - Un été sans les hommes

Éditeur : Actes Sud - Date de parution : Mai 2011 - 226 pages sublimes !

Le mari de Mia, neuroscientifique , la quitte  pour une « Pause » passagère. La « Pause » étant jeune et  prétendue lui être bénéfique. Mia craque nerveusement. Après son hospitalisation en psychiatrie, elle laisse New-York pour se rapprocher  de sa mère qui vit en maison de retraite. Cinquantenaire, poétesse, il s’agit d’une femme qui se livre sans détour. Avec force, faiblesse, humour et sensibilité.
Ce livre est magnifique, beau, touchant, drôle et juste !!! Un hymne à la femme sous tous les angles. L’adolescente, l’épouse,  la mère, la femme libérée, la femme aimante, la femme indépendante ou non, la femme qui travaille,  la femme en fin de vie…  Chacune se reconnaitra à travers Mia ou à travers les personnages féminins de ce roman. Des femmes de tout âge et de plusieurs générations. Si son mari baigne dans le scientifique, Mia est une poétesse. D’une situation ou d’une parole,  des vers et  des poèmes lui reviennent à l’esprit. A travers ces traits d’esprits, on comprend ô combien la littérature et la poésie sont une source dans laquelle Mia puise et se ressource. Au bout de 30 ans de mariage, elle se pose des questions légitimes sur son couple, sur les habitudes qui rongent l’amour et sur son mari. Elle se livre à travers une introspection  sans tabous. Le groupe d’adolescentes auquel elle  donne des cours nous renvoie aux prémices de jeunes filles et aux préoccupations de leur âge. Mia côtoie les amies de sa mère. Des femmes gaies, vives malgré leurs problèmes de santé. Observatrice, à l’écoute, elle  se noue s’amitié avec Abigail, nonagénaire aux mains de fée. Abigail dont les broderies ont deux cotés : le convenu pour le plaisir des yeux  et le libertaire où l’érotisme est maître.   Elle fait la connaissance de sa jeune voisine, Lola, malheureuse en couple.  Mia se nourrit des expériences et des rôles voulus ou non  que la vie confère à toutes ces femmes, sa mère et sa fille comprises.
Grâce à cet été passé dans le Minnesota , Mia se reconstruit . Toutes ses rencontres lui permettent d’avoir un nouveau regard brillant d’un humour sans égal  et de féminisme. Ce roman fait la part belle sur la place de la femme, de l’homme dans la société et  il délivre la quintessence de ce qui fait la femme !
Dire que j’ai aimé ce livre serait mentir car je l’ai adoré !!!J’ai vibré, j’ai été émue, l’humour souvent ironique et  féroce de Mia m’a régalée. Mais surtout,  j’ai eu cette sensation de comprendre Mia !
L’écriture de Siri Hustdvedt est magnifique, singulière  et  j’ai pris mon temps  pour lire ce livre. Il y a tant de subtilité , de réflexions qui s’en dégagent  ! Un roman à mettre entre toutes les mains des femmes  ( à offrir et  à s’offrir !).
Un livre hérisson tant j' y ai inséré de marque-pages que je relirai au fil des années qui s’écoulent car je suis certaine qu’il m’apportera encore beaucoup !   
Vous pouvez bien vous demander pourquoi diable je voulais encore de Boris, un homme qui déclare à son encore-épouse qu'il crèche avec sa nouvelle moitié pour des raisons "pratiques", comme si ce nouveau et choquant arrangement ne dépendait que de l'immobilier new-yorkais.
Les tentatices : Cathulu et Cuné

lundi 16 mai 2011

Andrew Porter - La théorie de la lumière et de la matière

Éditeur : Editons de l'Olivier - Date Parution : Mai 2011 - 205 pages de grand Art...

Andrew Porter signe son premier recueil de nouvelles avec La théorie de la lumière et de la matière. Derrière ce titre digne de faire frémir de plaisir un physicien, il nous offre dix nouvelles d’exception. Oui, d’exception et de grand Art, rien que ça ! Dans une écriture impeccable, il nous plonge dans les regrets, l’amertume et la mélancolie. Un auteur ou plutôt un observateur de la vie qui narre et qui raconte avec cette simplicité désarmante la vie des gens. Des personnages des quatre coins des Etats-Unis. Enfant, adolescent, homme ou femme  comme il en existe tant. On fait leur connaissance à des moments où leur vie bascule. Quelquefois, ils s’en rendent compte sur l’instant ou alors bien plus tard. Copain d’enfance, amour de jeunesse, le mari qui se croit trompé, l’épouse trop gentille, le frère admiratif, la famille …des gens ordinaires en somme. Et justement, c’est là tout le talent de cet auteur ! Sans effets de manche, sans flonflons ou cotillons, il nous fait rentrer dans leur intimité.  Des vies où la solitude devient très souvent une compagne. Des nouvelles au parfum doux, acide, cruel et tellement humain...

J’ai enchaîné ces nouvelles sans m’en rendre compte ! Tellement absorbée par le style et les personnages, j’ai tourné la dernière page avec mélancolie. Imprégnée de celle de ce recueil juste et magnifique.

Un vrai coup de cœur sur toute la ligne !

Le billet d'Agathe

Et un recueil de plus!

dimanche 15 mai 2011

Le trophée

Qui dit dimanche dit atelier d'écriture chez Gwen. Et  aujourd'hui, le thème est le suivant : "Je vous propose de vous mettre dans la peau d’un parent d’adolescent (si c’est là votre costume habituel, ce n’en sera que plus facile…). Un jour, excédé par le bazar indescriptible qui règne (forcément) dans la chambre de votre rebelle, vous décidez de vous lancer dans une grande séance de ménage. Et là, vous tombez sur son journal intime. L’ouvrir ou pas? Le lire ou pas? Telles sont les questions que vous vous posez. Je vous laisse choisir et raconter…"

Et voici mon texte :

Claire s’habille. Elle hésite à porter ce chemiser. Non décidemment, il n’irait  pas avec son nouveau jean. Elle cherche dans son dressing bien fourni autre chose. Le gilet qu’elle a acheté le mois dernier serait parfait. Elle soulève des montagnes colorées. Impossible de mettre la main dessus. Maud, sa fille le lui a emprunté et ne le lui a pas  rendu.  Maud dort chez une copine ce week-end et à cette heure ci, inutile de vouloir l’appeler sur son portable. Claire prend la décision d’aller dans sa chambre. Pourtant, elles ont un accord : Claire n’a pas le droit d’y rentrer sans l’accord de sa fille, c’est à dire rarement. Quand Maud le lui avait demandé, Claire avait acquiescé. A 15 ans, il est normal  qu’elle ait sa propre intimité. La porte s’ouvre sur un désordre sans nom. Un capharnaüm ! Des vêtements jonchent le sol parmi les livres, les cahiers de cours. Des magazines aux pages tâchées de vernis à ongles recouvrent le bureau. Des tasses, un yaourt, un paquet de gâteau éventré laisse échapper  des biscuits en miettes. Claire regarde où poser les pieds. Un tube de colle semble s’être ancré dans  le beau parquet.
C’en est de trop ! Et  son pull ? Sûrement enseveli sous la montagne de vêtements. Chaussettes solitaires cherchant l’âme sœur,  t-shirts propres ou sales tout est mélangé. En soulevant un bas de jogging, sa main tombe sur un objet épais. Livre de maths ou de latin ?

Claire s’interroge. Non, il s’agit d’un cahier épais. Sur la couverture, deux mots "journal intime" écrits par Maud . Etonnée,  elle le fixe. Elles sont complices et  Maud  lui confie tout. D’ailleurs, les amies  de Claires l’envient, jalousent  cette relation mère-fille. Claire ne peut s’empêcher de s’enorgueillir. Les compliments de ses amies. nourissent sa vanité. Celle d'avoir réussi là où elles ont échoué. 

Ce journal est une faille qui  ébranle ses certitudes. L’envie de l'ouvrir la tenaille. Lire juste quelques lignes. Après tout, peut-être est ce simplement un cahier  où Maud note les noms de produits de maquillage ou colle l’image de la super veste qu’elle a repéré sur un site quelconque. Le mot intime est souligné comme une mise en garde.  Depuis quelques semaines, Maud a changé. Elle passe plus de temps dans sa chambre. Et quand Claire lui  a  proposé une sortie shopping suivie d’un ciné, Maud a refusé. Ce n’est pas son genre. Aux questions de sa mère, elle a prétexté du travail et des exposés à préparer. Claire n’est pas dupe, sa fille lui cache quelque chose. Pourtant, Maud lui toujours dit tout. Les disputes avec les copines, le gars de troisième sur qui elle flashe et qui  lui rend à chaque fois son sourire. Maud ne peut rien lui cacher, cette simple pensée suscite en elle de l’énervement. Elle a élevé toute seule  Maud, lui a offert tout ce qu’elle n’a pas eu étant enfant puis adolescente. Claire travaille  beaucoup. Elle  rentre souvent tard  et compense son absence par des cadeaux. Son pied heurte un petit sac poubelle. En le prenant, le  sac percé laisse échapper un bracelet. Ou ce qu’il en reste. Les petites pierres ont été cassées, broyées. Claire ouvre le sac et découvre le contenu. Des boucles d’oreilles  tordues, un t-shirt soigneusement lacéré, …Le sac est la sépulture de tous ses  cadeaux. Claire reste impassible. La sonnerie du téléphone la sort de sa torpeur. Elle répond à l’appel, elle reconnait la voix d’Isabelle une de ses amies. Cette dernière  se lance dans une longue mélopée. Sa fille lui a répondu, le ton est  monté et les mots aussi. Mais qu’est ce que je dois faire ? lui demande Isabelle. Je suis à bout de nerfs !
Claire regarde le journal et le sac poubelle  une dernière fois, elle ferme la porte et  répond à Isabelle :
Oh ma pauvre ! Je suis embêtée. Que te dire ? Avec Maud, nous ne connaissons pas ce genre de conflits,  tu sais bien…

Claire se regarde dans le miroir  du couloir.  Elle préfère oublier ce qu’elle  a vu. Sa relation avec sa Maud est parfaite. C’est son  trophée personnel  et personne ne le lui volera. Pas même sa fille.

samedi 14 mai 2011

Marie-Sabine Roger - Un simple viol

Éditeur : Grasset - Date de parution : septembre 2004 - 188 pages qui m'ont fracassée...

Maud a été violée à l’âge de 12 ans. Un soir d’hiver, un homme l’a accostée pour lui demander l’heure. Tout a été très vite. Coincée au fond d’une impasse, son enfance lui a été volée. Depuis, la blessure n’a fait que s’agrandir. Pour se protéger, Maud a son cutter et son corps. A 17 ans, Elle joue avec, provoque les regards et attise le feu des hommes. Se sentir maîtresse de la situation et non victime. Maud s’en fout de la vie, elle a trop mal.


Ce livre m’a bouleversée, chavirée et fracassée… Il s’agit d’une lecture dont on ne sort pas indemne. Une lecture en apnée en retenant mon souffle. Le récit de Maud sonne comme autant de cris, d’appels au secours emmurés au plus profond d’elle. Violée à 12 ans par un inconnu alors qu’elle était une petite fille comme les autres. Les mots qu’elle n’a jamais pu dire se sont transformés en une révolte sourde et dangereuse. Pas question de s’attendrir. Même envers Mme Madame Leblanc, la vieille voyante qui l’aime bien. Pour Maud, l’amour bousille et rend faible. Alors non. Elle se montre insensible, fière. Une carapace pour ne plus vivre « ça ». Maud se détruit à petit feu : alcool, médicaments. Elle anesthésie sa douleur, cherche à la tromper mais elle toujours là. Tapie dans l’ombre, elle la ronge un peu plus chaque jour. Qui pourrait croire que cette jeune fille de 17 ans aux allures aguicheuses souffre ? Personne ne sait ce qu’elle a subi. Personne n’a cherché à comprendre le pourquoi de ce changement. Toujours sur le qui vive, son cutter dans la poche, Maud aspire juste à la vengeance.
Et j’ai refermé ce livre sonnée. Les mots ont eu l’effet d’uppercuts. Des phrases courtes, incisives. Comme autant de cris de souffrance, de haine. Dégoût des hommes et d’aversion de son corps. Et ça fait mal, très mal…Un roman  dur, percutant et sans pathos. Terrible et remarquable.


Comment dire cette noyade, et le sentiment destructeur d’avoir été, peut-être, non, sûrement, la fautive. D’avoir fait quelque chose, mais nr pas savoir quoi. L’impression qu’à partir de là, plus rien ne va normalement, qu’elle est poussée hors de sa vie. Hors de sa voie. Qu’on la déraille.
Le verbe aimer, ça sert à excuser toutes les lâchetés, les mensonges, les coups d’arnaque. C’est un paquet-cadeau pour planquer des horreurs.

vendredi 13 mai 2011

Rosa Montero - Belle et sombre

Éditeur : Métailié- Date Parution : Avril 2011 - 190 pages envoûtantes !

Ce roman magnifique de Rosa Montero s’ouvre sur ces lignes : Tout s'est passé à une époque reculée de mon enfance dont je ne sais plus maintenant si je m'en souviens ou si je l'invente : car en ce temps-là, pour moi, le ciel ne s'était pas encore détaché de la terre et tout était possible. L'univers venait d'être créé, comme avait pris soin de me l'expliquer doña Barbara : “Quand je suis née, m'avait-elle dit, le monde a commencé.” Comme j'étais petite et elle déjà très vieille, cela m'avait semblé un temps très long. »
Et il est difficile de résumer un tel livre ! La narratrice est une fillette Baba enlevée de l’orphelinat pour vivre avec sa grand-mère doña Barbara. Une grand-mère qu’elle ne connait pas mais que tout le monde respecte. Son fils Segundo, homme violent trempant dans les combines est marié à Amanda, douce et craintive. Chico leur fils tremble de peur devant Segundo. Toute la famille loge dans un hôtel d’un quartier populaire où les règles d’honneur et de clans règnent.  Heureusement,  le quotidien est émerveillé par les récits d‘Airelai. Femme de petite taille qui possède les  pouvoirs  mystérieux de la magie ainsi que des dons. Grand-mère doña Barbara attend l’arrivée du père de Baba, Maximo, le fils admiré et aimé. A travers les yeux de Baba et les récits envoûtants d’Airelai, Rosa Montero nous fait voyager dans un monde à la frontière de la réalité et de l’onirique. L’histoire se déroule comme dans un décor où le rouge, le noir et  l’or se côtoient.  Entre les rires, les drames qui secouent le quartier, la fillette découvre le monde.
Comme dans instructions pour sauver le monde, le sombre et  l’obscur de la vie sont conjurés par le  charme et la grâce de l’écriture de Rosa Montero.   Il s’agit d’une lecture où d’où je suis ressortie  avec les yeux pétillants d’étincelles  et la tête remplie d’étoiles !
De toutes les sortes de cruauté que j’ai connues, la plus répandue est celle de celui qui ignore qu’il est cruel. Les êtres humains sont comme ça : ils détruisent et torturent, mais ils se débrouillent pour se croire innocents.
Les billets de Keisha ( fan inconditionnelle des publications Métailié), La scie rêveuse, Tournez les pages
Merci à Babelio pour ce livre reçu lors de l’opération Masse critique.
En route pour l'Espagne!